30 décembre, 2010

A propos d'une petite phrase...

Entendue ce matin sur France Info, au cours d'une interview de Jean Giraud-Moebius, la réflexion suivante : "il n'y a aucune BD qui fait scandale". Et le Maître manifestement de le regretter, prenant aussi pour exemple Quai d'Orsay (qui aurait dû susciter beaucoup plus de réactions, dit-il) et concluant que la BD est victime d'une sorte de "péché originel" qui fait qu'on ne la considère pas comme sérieuse...
J'ai réfléchi à cette constatation, et voici ce que j'ai envie de dire aujourd'hui. D'abord, je ne cautionne pas forcément le mot "scandale". Très rares sont les livres, après tout, à vraiment faire un soi disant "scandale" dans notre société bien plus consensuelle qu'il n'y paraît. Les notions d'impact ou d'événement me semblent plus justes et appropriées. Et Quai d'Orsay, pour reprendre cette référence (mais on pourrait aussi citer Il était une Fois en France) rassemblent ces deux critères. C'est déjà appréciable. Car quel livre de littérature ou d'essai aurait fait scandale en 2010 ? Le livre d'Onfray sur Freud, oui, peut-être. Mais on n'en voit pas forcément d'autre.
Une BD qui fait scandale, j'en vois pourtant une : Tintin au Congo. Ce qui nous amène à la notion suivante, qu'on oublie toujours : le fameux scandale, s'il doit y en avoir un, vient presque toujours après. C'est avec le temps qu'il éclate (éventuellement). A part donc des actes de provocation pure et délibérée, on ne peut donc pas regretter un "scandale" qui , par nature et presque par essence, ne peut pas être simultané à la diffusion de l'oeuvre.
Cela étant, Moebius a raison lorsqu'il évoque le regard qu'on porte sur la BD. Un dessin de presse peut dénoncer et avoir une dimension sociétale immédiate. Je dis bien : un dessin de presse. Or, une BD n'est pas une succession en cases de dessins de presse. C'est a priori (et c'est en tout cas ma définition) un récit, un type d'écriture qui mêle mots et dessin. Un art tout à fait noble et essentiel, bien sûr, mais qui cherche avant tout à raconter, à témoigner, à imaginer, à inventer (pas forcément à évader ou à détendre, qu'on soit bien d'accord). Qu'une BD puisse ainsi atteindre le statut de "brûlot" (qui pourrait correspondre à celui de "scandaleux") me semble donc assez irréaliste.
Ce n'est pas pour ça qu'une BD ne pourrait pas avoir un impact (j'en reviens à ce terme) aussi fort qu'un roman. Le Choix de Sophie est inoubliable, Maus l'est tout autant. Mais pour le faire savoir, il faut des passeurs, des relayeurs : critiques, journalistes, animateurs, autres auteurs - il faudrait que la BD soit plus exposée, plus expliquée, plus respectée peut-être. Et elle trouverait un peu plus sa place dans la culture au sens large. Ce qui lui fait encore défaut, il faut bien le reconnaître. Et ça, Moebius, le sait mieux que personne.

22 décembre, 2010

Une année de BD

Voici donc venu le temps des fêtes - et j'ai envie de tirer un bilan de mon année d'auteur BD. 2010 fut assurément une année riche mais j'ai tendance à en retirer une impression mitigée (je me livre une nouvelle fois sans concession). D'un point de vue comptable, j'ai sorti 7 albums, ce qui est mon record. Merci aux éditeurs qui me font confiance ! Cependant, un seul s'est vraiment distingué : Un long Destin de Sang, chez 12 Bis, qui reste ma grande satisfaction. Beaucoup d'avis élogieux sont venus accompagner la sortie de cet Acte I au mois d'avril dernier et il y a eu quelques distinctions flatteuses. Je ne vais quand même pas me plaindre d'avoir eu des avis dans L'Express, Rolling Stone, 20 Minutes et d'avoir été sélectionné dans les 20 Indispensables de l'été par l'ACBD !
Speedway a eu une exposition correcte (mais on sait que de diptyque aurait dû sortir il y a au moins six ans, l'impact aurait été bien plus fort), j'ai noté que L'Idole & le Fléau T2 avait été plutôt bien accueilli, en revanche pas beaucoup de mouvement pour L'ultime Chimère T5 et T6 et encore moins pour le dernier ApocalypseMania... C'est pourtant cette série qui continue de me procurer quelques royalties, les ventes du T1 m'ayant généreusement accordé 3,94 euros cette année ! On comprend pourquoi je continue toujours de faire mon métier de journaliste/commentateur...
Toujours côté mauvaises nouvelles, on sait qu'Igor Kordey m'a lâché pour la suite et la fin de L'Idole & le Fléau. Ca n'est jamais agréable ni souhaitable. Je m'en excuse auprès des lecteurs qui nous avaient fait confiance et mon cadeau de Noël sera de vous offrir le découpage de ce T3 fantôme tel qu'il avait été écrit par votre serviteur à l'été dernier... Je vous laisse cliquer sur ce lien pour le découvrir !
Malgré tout, 2010 aura été l'année où j'ai signé deux nouveaux contrats : le premier concerne le T6 de XIII Mystery (il y pire, on est d'accord !) et Espace Vital (avec Fabrice Meddour, chez Glénat). Je peux révéler qu'il y a au moins six projets qui sont actuellement chez des éditeurs (12 Bis, Glénat, Dargaud, Quadrants) pour lesquels je n'ai pas encore de réponse définitive...
2011 sera clairement une année de transition. Il n'est prévu que deux albums seulement : le T7 de L'ultime Chimère (entièrement dessiné par Griffo, ce sera donc la conclusion de la série) et l'Acte II d'Un long Destin de Sang, sur lequel je mise évidemment de gros espoirs. J'espère que quelques uns des projets sus-mentionnés seront acceptés, sinon ça sera dur pour le moral. J'aimerais bien aussi, dans la série des voeux secrets, être un jour sollicité par un éditeur pour un projet collectif ou par rapport à une vraie commande, genre Sept... ou Le Casse chez Delcourt, 1800 chez Soleil, Destins chez Glénat... Je crois vraiment que je m'éclaterais dans ce genre d'exercice !
Sinon, je continue d'écrire mon roman graphique sur l'Australie, Bandaiyan... Encore 180 pages environ, mais quel plaisir !
Happy festive season folks !

20 décembre, 2010

Facebook !

1492, Christophe Colomb découvre l'Amérique. 2010, je découvre Facebook ! Bon, ben voilà, j'ai franchi le pas depuis ce week-end et me voici dans le "social network" comme plus de 500 000 000 de mes congénères... Est-ce parce que le film de Fincher m'avait bien plu ? Peut-être. Est-ce parce qu'on m'avait convaincu que cela pouvait avoir un réel intérêt amicalo-professionnel ? Sans doute. Est-ce parce que ça donne le sentiment d'être quand même à la pointe et bien de son temps ? Assurément. Je ne suis pas sûr d'avoir encore tout compris sur le fameux "mur" et "fil d'actualités", et qui voit quoi, qui est vraiment ami avec quel ami, mais enfin bon, c'est parti !
On continuera bien évidemment ce blog, mais en tout cas me voici aussi à l'adresse
http://fr-fr.facebook.com/LFBollee !

13 décembre, 2010

Down On The Beach

Derrière ce titre emprunté à l'ami Chris Rea et au morceau ouvrant l'album On The Beach (1986) se cache une histoire inédite de ma série de BD ApocalypseMania, réalisée évidemment en compagnie de Philippe Aymond. Comme on le sait, la série aurait compté, dans l'absolu et de manière idéale, trois cycles (et non deux comme la réalité en a décidé...). Et le T10 aurait pu être un album un peu pivot, où j'avais eu l'idée de faire des histoires courtes, destinées à être dessinées aussi par des artistes invités. (Cette idée sera menée à son terme dans le T7 où nos amis Leo, Guarnido et Bonhomme ont accepté de nous accompagner et de jouer le jeu...).
Ces "short stories", il y en a eu quatre d'écrites : l'une s'appelait Ghost Island, et je l'ai depuis reprise partiellement pour le T2 de mon autre série L'ultime Chimère. Une autre s'appelait Zar Bizarre et avait été écrite par Philippe dans un premier temps, revue par votre serviteur dans un deuxième temps et se situait en Afrique... Une troisième, très courte (5 pages) s'intitulait Cosmose 2 et racontait comment une créature se retrouvait prisonnière du Lac dans la Croix Cosmique...(Voir à ce propos la fin du T6). Mais la plus intéressante, et qui pouvait proposer pas mal de débouchés intéressants, racontait une sorte d'enquête de Jacob Kandahar alors que celui-ci n'avait que 12 ans - mais était déjà la lumineuse intelligence qui devait devenir célèbre par la suite... Hélas, il n'y aura jamais de spin-off à ApocalypseMania ; pourtant la matière était là, comme vous allez pouvoir en juger.
Ctte histoire inédite de 7 planches, la seule à avoir été dessinée, vous pouvez la retrouver en exclusivité sur le blog de Philippe Aymond qui en commence cette semaine la publication. La scène se passe à Brighton en 1994...

We are 4 Lions **

de chris morris avec arsher ali, nigel lindsay, riz ahmed


Angleterre, quelques musulmans d'origine pakistanaise, veulent mener une action kamikaze au nom du Djihad, le stage au Pakistan n'est pas concluant, ils ne s'entendent pas, font gaffe sur gaffe, et cherchent la cible idéale.


Une fois de plus, il n'y a que les anglais pour sortir une telle comédie. A la fois parfaitement en phase avec son époque, brillamment écrite / rythmée / interprétée, un peu comme "In the loop" sur les relations de pouvoir et manipulations au plus haut niveau l'an dernier, et vraiment, mais alors vraiment, provocante. Car le réalisateur, provocateur de télé, aurait pu faire ce qui s'annonçait comme une excellente comédie, des ratés qui se prennent les pieds dans le Djihad et comment se faire exploser,"la 7eme compagnie" en plus fin et mordant. Et cette partie fonctionne trés bien, vraiment drole, plus que drôle parfois, quand il s'agit de fabriquer des bombes, de les expérimenter avec des corbeaux, de confronter la culture occidentale du rap avec les préceptes islamistes...Quelque chose de cet humour non sense facon "The Party" de Blake Edwards, et pas mal d'autres bonnes références comme Stephen Frears. Mais curieux et déroutant virage à un moment, sans que la comédie cesse, on rit bien plus jaune, car il va au bout de la logique, ça continue à faire rire tout en mettant vraiment mal à l'aise, bref une provocation réussie. Chapeau pour cela même si on peut trouver que le film aurait plus de cohérence à rester dans la (simple) déconnade.

03 décembre, 2010

Ma BD de l'année

Comme chaque année depuis 1979, voici pour moi venu le moment d'élire ma BD préférée de l'année. D'habitude, j'essaye de distinguer un album sorti dans l'année en cours, mais en cas d'oeuvre étrangère il peut y avoir quelques mois, voire années de décalage. C'est le cas en 2010.
Mon lauréat est le 9e album de la série américaine 100 Bullets : Strychnine Lives. Un comics paru en 2006 aux States, rassemblant les fascicules 59 à 67, et réunis en album en 2007 si je ne me trompe pas. Ce volume n'est pas encore paru en France, mais ce n'est pas la première fois que je courronne un titre inédit chez nous. L'histoire est comme toujours dans 100 Bullets découpée de manière brillantissime par Brian Azzarello, avec des mises en scène et des dialogues percutants. Le dessin faussement réaliste d'Eduardo Risso fait mouche, comme d'habitude et les ambiances de Floride sont particulièrement bien retranscrites. Ce n'est peut-être pas l'histoire la plus forte depuis le début de la série, mais j'y vois aussi l'occasion de mettre en valeur un comics qui méritait sur la durée une telle distinction.
Côté franco-belge, j'ai lu beaucoup d'albums cette année et beaucoup d'excellents. J'ai adoré par exemple Le Banni (Henscher-Tarumbana, Le Lombard), auquel j'ai vraiment pensé jusqu'au dernier moment, mais aussi Long John Silver T3 (Dorison-Lauffray, Dargaud), Le Casse T3 (Chauvel-Denys, Delcourt), Il était une Fois en France T4 (Nury-Vallée, Glénat), Asterios Polyp (Mazzuchelli, Casterman) (qui vient d'être élu Grand Prix de la Critique 2011 par l'ACBD - un soupçon d'ennui vers la fin m'a peut-être empêché de le faire gagner), Lydie (Zidrou-Lafebre, Dargaud), Les Passagers du Vents 6.2 (Bourgeon, 12Bis), Quai d'Orsay (Blain-Lanzac, Dargaud) et d'autres que j'oublie sûrement !