19 septembre, 2006

Le Marquis d'Anaon - T4 La Bête * * * *

Attention, très sérieuse option prise par cet album pour être élu comme le meilleur de l'année dans mon petit classement traditionnel à venir ! C'est en effet une réussite exceptionnelle à tous les niveaux et le plus fort, c'est que ça se sent dès le début.
La magie opère en effet dès que les soldats pénètrent dans le village qu'ils croient désert et qui a été attaqué par "la bête". Je pense à la case 3 de la planche 2, où l'on a véritablement l'impression d'être au milieu des personnages et où l'on devinerait presque le mouvement de caméra tel qu'au cinéma. D'autres cases m'ont également laissé une impression durable (les loups dans la nuit, des silhouettes dans la neige et le brouillard) et j'avoue que c'est dans cet aspect que la série a fait un incroyable bond en avant : dans le dessin de Matthieu Bonhomme, qui gagne selon moi en réalisme-figuratif, si j'ose dire, tout en n'étant pas ultra-réaliste par ailleurs. Son style est donc à mi-chemin entre le "travaillé" et le "stylisé" et il faut bien reconnaître que son sens du cadrage et de la composition dans la case fait merveille. On n'oublie pas les images de cet album, et c'est tout-à-fait rare comme impression. Tout au plus pourrais-je regretter parfois un décor qui mériterait un peu plus de poids...
Le Marquis d'Anaon a toutes les apparences de la BD classique. Récit à base historique, personnage principal qui résoud les énigmes, découpage sans fioritures, pas d'accumulation de cases ni d'esbrouffe dans la mise en scène, intrigues "sages"... Tout cela n'est bien sûr pas entièrement vrai. Le héros a aussi ses fêlures, les intrigues sont souvent en trompe-l'oeil, et le propos général va au-delà des apparences. C'est donc une BD qui ne cherche en aucun cas la facilité, et qui témoigne au contraire d'une véritable propos d'auteur(s). Le classicisme n'est qu'apparent et c'est une loi qu'ont souvent les chefs-d'oeuvres : celle de paraître simple ou évident.
Il est vrai que Dargaud a offert à nos deux amis deux armes imparables qui accompagnent la réussite : un format grand et une pagination augmentée. Tous les auteurs n'ont pas cette chance, mais tant mieux pour eux, c'est mérité. 50 pages, cela permet à Fabien Vehlmann de doser son histoire selon un rythme qui m'a paru lent, certes, et heureusement !, mais surtout fascinant. Il a complétement réussi à trouver le bon équilibre entre "action" et "réflexion", dialogues et silences. On prend le temps de suivre cette traque, en conséquence de quoi on la vit. On la vit de l'extérieur et de l'intérieur, avec une introspection humaine qui s'impose petit à petit. Je lui dis bravo pour cette subtile alchimie et pour montrer que les BD n'ont pas besoin de courses-poursuite en forme d'alibi pour s'imposer. Il faut juste un peu réflechir sur son propos et ne pas se lancer tête baissée à la suite de la première idée qu'on a eu. Tous les scénaristes actuels, hélas, n'ont pas cette qualité.
S'il fallait néanmoins émettre une petite réserve, ce serait au niveau de quelques dialogues : je n'arrive toujours pas à me faire aux "bordel" ou "putain" dans la bouche de personnages du XVIIIe siècle. Peut-être me trompè-je, mais je doute qu'on parlait comme ça à l'époque.
En tout cas, je vais de ce pas demander à Fabien si je ne peux pas récupérer une planche originale en échange d'une d'ApocalypseMania ! Rêvons un peu...
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cher LFB,
Moi aussi, cet album m'a laissé sur le cul ! Je suis un auteur de BD habitant et publiant au Maroc (1 album, Maroc Fatal aux éditions Nouiga) J'ai un scénario que j'aimerais voir dessiné par M. Bonhomme. Connaissant son oeuvre, je pense que celà pourrait lui plaire. Connais tu un moyen de le contacter ? J'habite au Maroc à plein temps donc pour les rencontres dans les festivals... Et par les éditeurs, j'ai déjà été échaudé une fois.
Merci d'avance. JF Chanson.
Mon mail :jfchanson@hotmail.com