07 mars, 2009

20 ans déjà


J'ai reçu ce matin le contrat définitif de Bandaiyan, et le rangeant dans mon classeur "contrats-BD" voilà que je (re)tombe sur le premier d'entre eux, relatif à l'album Les 13 Transgressions. Un contrat signé en janvier 1989, et j'ai même conservé ma première demande de facture, en date du 28 février 1989 : 7 planches au Vaisseau d'Argent Editeur, à raison de 250F l'unité ! (En revanche, la facture suivante, pour les 39 planches restantes, date du mois d'avril 1990...)

Voilà qui me replonge dans mes débuts dans la BD. Tout avait commencé fin 1987. Je baignais déjà dans la BD depuis tout petit, gros lecteur passionné par le medium, sentant confusément que là était une des mes voies, que je serai pratiquement obligé d'essayer de faire quelque chose dans ce type d'écriture. Je venais d'avoir 20 ans et à l'époque, ma série favorite était Le Vagabond des Limbes. Le dernier album paru était La petite Maîtresse, le 14e de la série, qui était vraiment bien, même si aucun album à partir du 11e n'allait être aussi fort que les dix premiers, vraiment cultes et exceptionnels.

J'étais également dans une période assez romantique où j'écrivais un roman (qui ne serait bien évidemment jamais publié). Le roman s'appelait, je vous le donne en mille : L'ultime Chimère. (Comme quoi, tout se recycle chez un auteur). On y racontait la destinée d'un soldat de la guerre de 14 qui aperçoit dans sa tranchée une femme comme en rêve, qui semble l'attendre, et dont il persuadé qu'elle existe vraiment et qu'elle est quelque part, dans un village ou une ville, et qu'il doit absolument la rejoindre... Pas mal de points communs, on le voit, entre la quête d'Axle Munshine pour tenter de retrouver sa douce Chimeer... J'avais d'ailleurs marqué à la fin du manuscrit : librement inspiré par la BD Le Vagabond des Limbes de Godard et Ribera.
Et voilà que je me dis que ce serait bien si je pouvais l'offrir (le manuscrit) à Godard !

Je prends le bottin de Paris, supposant qu'il habitait dans la capitale (Il aurait pu habiter Amiens ou Biarritz, je ne l'aurais jamais trouvé !). Je m'aperçois qu'il existe quatre Christian Godard répertoriés. J'appelle le premier, un soir. Non, il n'est pas auteur de BD. J'appelle le second et je tombe sur un type à qui j'explique ma drôle de demande... Il me dit alors que je suis bien tombé, que c'est bien là, qu'il est le fils de l'auteur et qu'il me le passe... Coup de chaud ! Et me voici donc parlant avec le Maître qui après quelques minutes m'autorise à venir le voir à son atelier la semaine suivante.

J'y vais (du côté de la Place Clichy) et je découvre donc un appartement où Christian Godard est donc là, et même Julio Ribera dans une pièce, travaillant sur le prochain Vagabond ! Ils sont là, en chair et en os ! On passe une ou deux heures ensemble, à jamais gravées dans ma mémoire, j'offre mon manuscrit, et je pars.

Six mois plus tard. Je prépare le concours d'entrée de la FEMIS, Fondation Européenne pour les Métiers de l'Image et du Son, qu'on appelait avant l'IDHEC. Je veux devenir réalisateur de cinéma. Il faut préparer une sorte de dossier où l'on envisage un projet audiovisuel... J'ai l'idée de rappeler Godard pour lui demander s'il voudrait bien que je le cite dans ce document : d'une part parce que ça donnerait une sorte de caution artistique non négligeable à mon projet (qui est une fantaisie sur la création de La Cantatrice chauve de Ionesco, je vous raconterai ça un jour...), d'autre part parce que ça me permet de renouer le contact avec le seul auteur BD que je connaisse. Godard se souvient de moi et accepte de figurer dans le document (via une citation bidon que je lui attribue, mais il me dit OK).

Tois mois après. Septembre 1988. Je le rappelle une nouvelle fois, lui demandant l'autorisation de venir lui donner en mains propres mon document préparatoire. Il me reçoit, toujours aussi sympa, et me déclare qu'ils vont se lancer, Ribera et lui, dans l'auto-édition en fondant le Vaisseau d'Argent, qui va devenir l'éditeur du Vagabond... "et de séries parallèles" ajoute-t-il. Je marque un intérêt certain à l'annonce de cette nouvelle, mais n'ose embrayer. Godard le fera pour moi : "d'ailleurs, si vous avez des idées à me soumettre pour ces séries parallèles, je les lirai avec plaisir..."

Je rentre complétement excité. Une porte vient de s'ouvrir. Je cogite comme un fou pendant deux mois et je lui soumets une sorte de note d'étude. Je lui dis que je vois trois pistes pour une série parallèle au Vagabond : une basée autour des 13 Transgressions, une autour de la mère d'Axle Munshine (dont il n'est fait aucune mention dans la série) et une autour de... honnêtement, je ne m'en souviens plus ! Mais je sais qu'il y avait bien trois axes de réflexion ! Suit dans ma (longue) lettre un synopsis d'un premier album ayant pour point de départ une transgression.
A l'époque, pas de mail, pas de télephone portable. Je n'ose pas relancer Godard au télephone, à son domicile. J'attends fiévreusement une réponse de sa part. Elle arrive au courrier, à la fin de l'année : "j'étais sûr que vous étiez prêt à relever le défi..." dit-il pour commencer. Mon coeur s'emballe. Et il me valide mon projet, me le corrigeant toutefois pour obtenir un nouveau synopsis, mais qui conserve pas mal d'éléments du départ. La porte s'ouvre de plus en plus...

Janvier 1989. Je suis à Lyon, en stage pour deux mois au Progrès, comme secrétaire de rédaction. Il faut dire en effet que j'ai pas réussi à intégrer la FEMIS quelques semaines plus tôt (ayant été jusqu'au deuxième tour des examens, j'ai dû terminer vers la 80e place...), mais j'ai été en revanche accepté au CELSA, section Journalisme. Et dans le cursus, figure un stage de deux mois en hiver en PQR (Presse Quotidienne Régionale). Je loge chez mon ami Thierry Cruvellier, qui lui a aterri au bureau lyonnais de Libération, il est le témoin de mes efforts pour accoucher de mon premier découpage : les sept premières planches des 13 Transgressions ! Là encore, Godard les corrigera allégrement, et je me souviens que j'avais instantanément vu la différence : oui, c'est clair que c'était mieux !

Jusqu'au bout, il interviendra de toute façon (parfois de manière que j'aurais aimé un peu moins nette, mais vous pensez bien que je ne me permettais pas de dire quelque chose) et toute l'année 89 a donc été consacrée à la création de cet album, dessiné par Alexandre Coutelis. Il est sorti en avril 1990 (avec la mention au scénario : Godard/Bollée !) et le seul relevé de droits que je possède encore m'indique qu'on en avait vendu environ 7 000 ex. après six mois d'exploitation...
Je m'aperçois aussi (je ne m'en souvenais absolument plus) que figure en 4e de couverture la mention d'un deuxième album à paraître : Carnaval sanglant.

Un album qui n'allait jamais voir le jour, mais dont j'allais réutiliser la trame quatre ans plus tard pour mon deuxième album : Fatal Carnaval, chez Dargaud !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

sympa ! d'ailleurs j'ai toujours cette bd dédicacée par LFB

bon sinon j'ai bien envie de me reconvertir dans le scénario et l'édition, des pistes ?

NMD