01 février, 2009

Charlie, Denis, Rafael, Vincent et Christian

Revenons sur mon week-end, si vous le voulez bien. Vendredi soir, je finis Je voudrais me suicider mais j'ai pas le temps, de Teulé et Cestac, la bio en BD consacrée à Charlie Schlingo (Dargaud). J'avoue que je connaissais le gars juste de nom, sans être véritablement au courant ni de son oeuvre ni de son parcours. Et j'avoue avoir été bouleversé par ce dernier, par ce mal-être qui s'exprimait d'une manière si énorme et si désespérée qu'il en devenait attachant. Ses attitudes m'ont rappelé celles de Tristan Corbière, un poète maudit que je vénère... Lisez donc ce livre profond et brutal, émouvant et repoussant, sombre et déconnant, un modèle de bande dessinée pour un artiste qui était tout sauf un modèle justement...

Samedi après-midi, courses en famille à Versailles, j'entre chez Gibert pour acheter L'Eternaute et Bunker T3, ce qui sera fait un quart d'heure plus tard. Sauf qu'entre temps, je tombe sur Denis Podalydès, qui est en train de dédicacer son dernier livre : Voix off (Mercure de France) ! Me voici donc enfin face à face avec Albert Jeanjean, l'immortel héros du meilleur film français de ces vingt dernières années : Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers). Ceux qui lisent ce blog savent que je voue un véritable culte à ce film, qui vient d'ailleurs de ressortir en DVD en version dite "interminable" (6x52 minutes, avec des passages oubliés au montage final qui sont complétement sublimes et hilarants...) et que j'avais fait l'an dernier deux jours de figuration pour le nouveau film de Bruno Podalydès : Bancs Publics (Versailles Rive-Droite) (dont Denis me dit qu'il sortirait a priori en juin). Bref, je discute cinq minutes avec cet immense acteur qui me fait dans la foulée une dédicace sobre et sympa, et je repars avec le sentiment d'avoir bouclé une sorte de boucle, touché par ce petit signe du destin... Un moment rare.



Dimanche matin : réveil en fanfare. On sait déjà qu'on va vivre un grand moment de sport avec la finale Nadal-Federer de Melbourne. Inconcevable d'en rater la moindre minute ! Je m'installe sur le canapé, j'allume Canal + et là j'ai droit au message : chaîne en option. Et je ne vois rien ! On croit rêver, je suis abonné à Canal depuis 15 ans ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Et le pire, c'est que je reçois bien les autres déclinaisons de Canal (Family, Sport, Décalé...). Non, rien à faire, je n'aurai jamais Canal dans cette matinée qui allait être longue... Du coup, heureusement que j'ai installé un décodeur Freesat, je me rabats sur BBC2. Merci les Anglais et honte à Canal, dont je vais de toute façon me désabonner dans deux mois. Mais je m'égare, revenons sur ce match d'anthologie entre deux sportifs exceptionnels. Je suis de ceux qui regardaient fiévreusement il y a presque 30 ans les duels Borg-McEnroe, persuadés qu'on n'aurait jamais mieux. J'ai vu en direct le fameux tie-break du siècle de Wimbledon en 80, et je m'en souviendrai toute ma vie. Mais il faut savoir mesurer sa chance : Federer-Nadal, l'affiche est tout aussi légendaire et dans 30 ans on pourra se vanter face aux jeunes générations d'avoir vécu ça (comme l'opposition Prost-Senna en F1...). Pendant 4 sets, on a vécu un match fabuleux, souvent surréaliste par la qualité pratiquée et le pourcentage de points gagnants. Je précise que je suis depuis cinq ans abasourdi d'admiration devant le jeu de Federer mais que depuis deux ans je suis devenu un fan absolu de Nadal, à propos duquel seuls qui n'ont jamais touché une raquette ou mis les pieds sur un court peuvent penser qu'il ne fait que cogner. Ce type n'a peut-être pas la classe évidente du Suisse, qui est l'expression la plus pure du beau en tennis, mais il possède un charisme inoui, renforcé par une variété dans les coups qui en font un authentique génie de la virtuosité, et doté d'un mental qui laisse sans voix tant il exprime une vérité qui a rarement cours en sport (et surtout en tennis) : je ne veux pas perdre, donc je ne perds pas.
Leur finale de Wimbledon l'an dernier restera à tout jamais un des grands moments de sport du siècle. On a pu croire un moment que la finale de Melbourne allait dépasser le chef-d'oeuvre, et puis non. Federer a étonnamment craqué au 5e set, l'offrant presque à Nadal qui n'en demandait pas tant. Quelques part, je ne suis pas loin de penser que ce dernier a en fait gagné l'Australian Open il y a deux jours, en battant Fernando Verdasco en demi finale. Pour deux raisons : 1) parce que Verdasco était tellement énorme que le battre revenait à démontrer qu'on était de fait imbattable et 2) parce que, loin de fatiguer Nadal, cela l'a au contraire encore plus "fouetté" pour aller conquérir le titre. On peut aussi s'interroger sur la tactique employée par Federer, qui à mon avis devrait plus tenter le service volée. A la régulière au fond de court, en effet, ça semble devenir de plus en plus dur contre "Rafa". Mais le bonhomme est orgueilleux, j'ai l'impression qu'il veut absolument prouver qu'il peut battre l'Espagnol à la régulière, sans rien changer à son style, histoire de prouver que c'est possible. Sauf qu'on a l'impression qu'il n'y arrivera plus désormais (sauf à Wimbledon, où je vois bien Federer aller chercher son 14e titre en Grand Chelem dans six mois). Peut-être est-ce là l'explication de ses larmes au moment de recevoir sa coupe : une séquence étonnante, où le grand Roger faisait tout petit garçon, consolé qui plus est par un gamin... Oui, mais un gamin qui est le meilleur joueur du monde, et peut-être en passe de devenir le plus grand de tous les temps. Je n'ai pas dit le meilleur : Federer restera celui-là, quoi qu'il arrive.

Une fois remis de ces émotions tennistiques, branchement en direct sur le Festival BD d'Angoulême pour découvrir les heureux lauréats. Le meilleur album de l'année est donc le Pinocchio de Winshluss (Requins Marteaux), qui était effectivement encensé depuis de nombreuses semaines. Comme d'habitude, sur les différents forums, on s'étripe sur ce prix, vu que c'est effectivement une certaine tendance de la BD qui est récompensée (une nouvelle fois) (voir également un énième prix donné à Sfar). Moi, je ne doute pas que Pinocchio soit excellent, audacieux, original et intelligent. Je dis juste que c'est loin d'être un prix qui couronne l'oeuvre d'un inconnu qui va enfin avoir la reconnaissance qu'il mérite etc... Au contraire, c'est à mon avis le lauréat le plus consensuel qui était possible, un mec qui est déjà une vraie star, co-auteur du film Persepolis (sous son vrai nom Vincent Parronaud) et déjà titulaire d'un César et d'une nomination aux Oscars ! Dans le genre underground, on a fait pire !
Sinon, pour finir, le Grand Prix est donc Blutch (Christian de son vrai prénom). Tous ses pairs disent que c'est peut-être le plus grand dessinateur français actuel. Bravo à lui, je vois que nous sommes nés la même année, je le félicite chaleureusement et espère avoir un jour l'occasion d'échanger quelques mots avec lui.

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